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Bio : mieux pour la santé ?

Publié le par Daniel Deside

Les adeptes du bio avancent souvent le principe de précaution pour justifier leurs choix de production ou de consommation. En l’absence de certitudes quant aux effets à moyen ou à long terme de différentes substances potentiellement nuisibles, ils préfèrent, dans la mesure du possible, les éviter complètement. Ainsi, dans le bio : point de pesticides, d’hormones de croissance ou d’antibiotiques. Aussi, de nombreux producteurs et consommateurs font valoir que les aliments bios seraient plus nutritifs et procureraient plus de vitalité que les autres produits. Ont-ils raison? Les chercheurs sont loin de s’entendre sur ces questions. Les uns favorisent la filière bio, les autres jugent que les aliments biologiques n’offrent guère d’avantages sur ceux de l’agriculture conventionnelle. En 2009, les auteurs d’une synthèse d’études, commanditée par la Food Standards Agency (FSA) britannique, arrivaient à la conclusion que les aliments issus de l’agriculture biologique ne refermaient pas davantage d’éléments nutritifs que les aliments produits de manière conventionnelle. Selon le nutritionniste Alan Dangour, auteur principal de l’étude subventionnée par la FSA, « il importe que le consommateur sache qu’il n’y a pas de preuves solides sur lesquelles il pourrait fonder son choix d’une alimentation bio sur la base d’une valeur nutritionnelle accrue par rapport aux aliments produits de manière conventionnelle ». Exprimant un autre point de vue, la nutritionniste québécoise Anne-Marie Roy affirme que « les données de l’étude britannique ne permettent pas de décréter que l’agriculture biologique ne confère aucun avantage aux aliments du point de vue nutritionnel ». Elle fait remarquer que, dans l’ensemble, les 55 études retenues pour la synthèse indiquaient une nette tendance en faveur d’une valeur nutritionnelle accrue pour au moins 5 nutriments de base. La seule différence trouvée pour les produits courants est leur teneur plus élevée en azote, ce qui n’est pas considéré comme une bonne nouvelle par l’Organisation mondiale de la Santé qui attribue des problèmes de santé publique à des taux d’azote élevés dans les aliments. Anne-Marie Roy souligne également que d’autres chercheurs ayant analysé les mêmes études sont parvenus à des conclusions fort différentes. C’est notamment le cas de l’équipe américaine de Charles Benbrook, directeur scientifique de The Organic Center, qui avait analysé, en 2008, des études publiées sur ce sujet. Les chercheurs américains concluaient alors à une supériorité d’environ 25 % des produits de l’agriculture biologique pour 11 nutriments de base. Haro sur les pesticides Les pesticides sont des « poisons » conçus pour détruire toutes sortes de végétaux, d’insectes et de champignons « nuisibles ». À ce titre, ils peuvent constituer un danger réel pour la santé publique. Il existe un consensus à l’effet d’en limiter l’usage, du moins pour les plus toxiques d’entre eux. On cherche constamment à définir le degré de risque qu’ils présentent et à savoir quel degré nous sommes prêts à tolérer collectivement. Quelle est la quantité de résidus de pesticides qu’on retrouve dans les aliments que nous consommons? Cette question préoccupe les autorités sanitaires. On soupçonne ces résidus de provoquer, à la longue, des conséquences néfastes pour la santé : apparition de cancers, perturbation de la croissance du foetus et de l’enfant et dérèglement des systèmes reproducteur, endocrinien, immunitaire et nerveux. Mais l’identification d’effets particuliers suscite la controverse à cause du peu de recherches effectuées sur les humains et des contradictions entre les résultats des études publiées jusqu’ici. Les preuves ne sont pas concluantes. On ne peut donc pas affirmer que les pesticides sont associés à des troubles de santé spécifiques. Quoi qu’il en soit, étude après étude, on constate que les quantités de résidus de pesticides retrouvés dans différents produits sont généralement conformes aux normes officielles. Ainsi, dans près de 80 % des aliments frais cultivés au Canada, on n’a détecté aucune trace de résidus de pesticides en 2003-2004. Environ 20 % en contenaient — mais en deçà des limites fixées par Santé Canada — et seulement 0,7 % excédaient les normes canadiennes. Du côté des aliments frais importés et des aliments transformés, le portrait était similaire ou mieux encore. En Grande-Bretagne, ce sont 70 % des produits qui seraient exempts de résidus. Or, les résultats d’une étude américaine indiquaient, en 2000, que l’Américain moyen pouvait être exposé jusqu’à 70 fois par jour à des résidus de pesticides persistants présents dans les aliments. À l’occasion d’une étude menée dans la région métropolitaine de Seattle, aux Etats-Unis, on a relevé des taux mesurables de pesticides organophosphorés (des polluants persistants) dans l’urine de 109 des 110 enfants de 2 ans à 5 ans testés. L’enfant chez qui on n’en n’a pas trouvé vivait dans une famille qui n’achetait que des aliments bio et où l’on n’utilisait jamais de pesticides domestiques à la maison. Selon François Belzile, professeur titulaire au Département de phytologie de l’Université Laval à Québec, ces quantités demeurent infimes. « Ce qui importe avant tout c’est d’évaluer le risque relatif. Rappelons-nous que nous ingérons plus d’éléments cancérigènes dans une seule tasse de café (non biologique) qu’avec tous les aliments traités aux pesticides que nous consommons dans une année! », affirme-t-il. De son côté, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes du Canada recommandait, en 2000, au gouvernement, d’élaborer une politique favorisant le passage d’une agriculture dépendante des pesticides à l’agriculture biologique. Cette décision a été prise après avoir pris connaissance de l’ensemble de la littérature scientifique et consulté une panoplie d’experts. Hormones, antibiotiques et autres... Pour augmenter la productivité et accélérer la croissance des animaux et des poissons d’élevage, l’agro-industrie fait appel à diverses substances (hormones, antibiotiques, farines animales, etc.) qui sont ajoutées à leur alimentation. Des hormones de croissance se retrouvent ainsi dans la chaîne alimentaire et les effets de leur accumulation dans l’organisme humain sont un sujet d’inquiétude pour des scientifiques qui les associent, notamment, à une augmentation de l’incidence du cancer du sein et à la précocité de la puberté chez les jeunes filles. D’autre part, l’Organisation mondiale de la Santé ne cesse, depuis quelques années, d’alerter les autorités nationales au sujet du phénomène de la résistance aux antibiotiques attribuable à l’usage massif et systématique de ces substances dans les élevages. Jusqu’à 70 % de la production mondiale d’antibiotiques est destinée aux animaux d’élevage. La Food Standards Agency de Grande-Bretagne considère, elle aussi, qu’en vertu du principe de précaution, les hormones, comme facteur de croissance, devraient être interdites. Enfin, malgré la véritable commotion qu’a causée la crise de la vache folle dans les milieux agricoles mondiaux, les pays n’ont pas tous encore banni les farines animales dans les élevages d’herbivores, une pratique associée à la transmission à l’humain d’une variante de l’encéphalopathie spongiforme bovine. L’agriculture biologique ne permet pas cette pratique. Davantage d’éléments nutritifs dans le bio ? De plus en plus d’études démontrent que les aliments biologiques auraient une valeur nutritive légèrement supérieure aux produits conventionnels. Par contre, la science ne peut affirmer formellement que cette valeur accrue ait une incidence mesurable sur la santé. Pourtant, des chercheurs réputés, comme l’expert en cancer Ralph Moss n’hésitent pas à affirmer que les aliments bios sont meilleurs pour la santé, et devraient tout particulièrement être consommés par les gens atteints ou à risque de cancer. Dans son livre Anti cancer, le Dr David Servan-Schreiber recommande, pour prévenir le cancer et pour le traiter lorsqu’on en est atteint, de privilégier les aliments issus de l’agriculture biologique, pour deux raisons : ils sont exempts de pesticides et d’herbicides aux effets cancérigènes et ils sont généralement plus riches en substances protectrices, comme les phénols antioxydants. Les nutriments essentiels Les résultats d’une revue de 41 études comparatives indiquent que les aliments bios (fruits, légumes et grains) renferment généralement davantage de vitamine C, de fer, de magnésium et de phosphore que les aliments issus de l’agriculture conventionnelle et moins de nitrates (composés azotés) que ces derniers. Mais cette faible différence aurait peu d’incidence sur la santé globale. En général, les aliments bios ne renferment pas plus de protéines ni de la plupart des vitamines et des minéraux essentiels que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Les nutritionnistes estiment par ailleurs que, même si c’était le cas, cette différence n’aurait pas d’effet majeur sur la santé publique étant donné qu’on ne relève pas de carences majeures de ces nutriments dans les populations des sociétés industrialisées. Les métabolites secondaires Selon certains chercheurs, c’est plutôt au chapitre des métabolites secondaires que les aliments bios pourraient présenter des avantages. Contrairement aux nutriments majeurs, les métabolites secondaires ne sont pas considérés comme essentiels, mais ils jouent néanmoins un rôle crucial en matière de santé. C’est notamment le cas des antioxydants qui permettent de contrer le stress oxydatif, lequel serait associé à plusieurs maladies, dont le cancer. Les résultats d’analyses comparatives indiquent que les aliments bios renferment davantage de composés phénoliques antioxydants que leurs pendants provenant de l’agriculture conventionnelle. Des chercheurs écossais ont aussi comparé la teneur en acide salicylique, un composé antioxydant et anti-inflammatoire naturellement présent dans les légumes de soupes commerciales préparées avec des légumes biologiques et celle de soupes semblables renfermant des légumes provenant de l’agriculture conventionnelle. Leurs résultats indiquent que les légumes bios renferment davantage d’acide salicylique. Selon les chercheurs, il est possible que cette teneur accrue procure une protection significative contre certaines maladies, notamment les troubles cardiovasculaires « Jusqu’à présent, 14 études ont comparé la teneur en polyphénols (des antioxydants) des fruits et légumes biologiques avec celle de produits issus de l’agriculture conventionnelle. Dix ont donné l’avantage aux produits biologiques », précise Marie Josèphe Amiot-Carlin, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique de Marseille. Une explication possible : les végétaux biologiques produiraient plus de ces composés naturels parce qu’ils subissent plus de stress que ceux issus de l’agriculture conventionnelle, chimiquement protégés par des pesticides. Mais, encore une fois, l’effet direct de ces concentrations accrues sur la santé n’est pas démontré. Ainsi, une étude a permis de constater que des purées de tomates biologiques contenaient plus de vitamine C, de caroténoïdes, de lycopène et de polyphénols que leurs pendants conventionnels. Par contre, des analyses n’ont révélé aucune différence dans le taux de ces éléments dans le sang des personnes qui avaient consommé, pendant 3 semaines, ces purées ou des purées ordinaires. Les aliments bios sont-il plus savoureux ? Selon Hélène Jacques, professeure de diététique à l’Université Laval, les fruits et les légumes biologiques renfermeraient généralement moins d’eau que ceux qui ont été cultivés à l’aide d’engrais chimiques, ce qui pourrait leur conférer une saveur plus concentrée. Une autre hypothèse est évoquée par Marie Josèphe Amiot-Carlin, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique de Marseille. Les végétaux bios contiendraient davantage de flavonoïdes, des composés naturels bénéfiques à la santé humaine, qui sont en partie responsables du goût des aliments. Enfin, les produits bios sont souvent plus frais que les autres, et la fraîcheur est un élément primordial qui influence la saveur des aliments. Un régime équilibré avant tout Les experts en alimentation sont unanimes : ce qui compte avant tout est d’avoir un régime alimentaire équilibré et varié. Selon la nutritionniste Hélène Baribeau, il importe de manger beaucoup de fruits et légumes et de ne pas abuser des sucres, des gras (surtout les « mauvais »), ni du sel. « Si les besoins de base n’ont pas été satisfaits, une alimentation bio ne va pas combler les carences », souligne-t-elle. « Il faut aussi privilégier les aliments les plus frais et complets possibles. Le pain blanc bio n’est peut-être pas le meilleur choix santé. Attention également aux biscuits, gras et sucrés, fussent-ils bios! Cela dit, je crois que les aliments bios peuvent tout à fait compléter une alimentation déjà saine. » Le P François Belzile va dans le même sens. Il soutient qu’on doit en premier lieu favoriser les produits frais et locaux. « Les produits bios sont plus chers. Selon moi, si le budget qu’on peut consacrer aux fruits et légumes est restreint, il vaut mieux en acheter plus, que de réduire leur quantité pour se les procurer bio », plaide-t-il. Enfin, l’expert en cancer Ralph Moss rappelle que même si une étude a observé que les ketchups biologiques contenaient beaucoup plus de caroténoïdes que les autres, ils étaient tous — bio compris — généralement bourrés de sucre !

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